Gonbad-e-Kaboud

2001, deux jeunes artistes tout juste sortis de l'École des Beaux Arts de Téhéran entrent sur la scène artistique avec l'idée d'une collaboration en duo, dans le sous-sol d'un bâtiment abandonné en plein cœur de Téhéran qu'ils nomment Kargah, ou Studio en persan.

Le design graphique est alors devenu leur premier moyen d'expression pour répondre à leurs désirs de création artistique dans une société en mutation sociale, politique et culturelle. C'est le fruit de leurs vingt années de travail que présente cette exposition en trois temps, intitulée : La ville, les contes, la peur du vide (Kenophobia).

L'impact d'une ville-capitale et son influence omniprésente sur l'urbanité et les modes de vie en Iran ne peuvent que marquer les diverses formes d'expression artistique qui se veulent la concrétisation des idées des artistes. Au cœur de cet écosystème complexe et dynamique où se constituent puis disparaissent les formes, celles-ci imposent leurs atmosphères aux observateurs. Dans ce contexte, le principe d'expression des formes artistiques, comme un système immunitaire, crée sa propre défense contre l'oubli, contre l'effacement, contre la déconstruction et la déformation d'une culture visuelle historique héritée. Il produit et documente de belles, détaillées, méditées et précises images qui absorbent la perturbation, et contribue à la création d'images nées des désirs artistiques dissimulés du peuple.

La littérature est indissociable de la vie, de la rue et du bazar iraniens. La narration et la lecture des contes persans cohabitent avec la manifestation artistique de leurs œuvres. La nature de la littérature comme moyen de communication, à la fois très intime et très populaire, est confortée par ces expressions artistiques. Le choix de la littérature et des contes persans pour s'exprimer et s'exalter au travers du graphisme est appuyé par son caractère populaire, plus durable et résistant, et aussi plus oriental. Ces images muettes reflètent les échos des combats de tous les jours menés par les artistes et les citoyens iraniens. Le design graphique se manifeste ici comme le moyen de véhiculer ces messages en réponse au contexte mouvementé, accablant et intrusif, permettant ainsi de conserver et de transmettre le patrimoine artistique.

Au travers d'œuvres empruntant à l'histoire, aux récits et au contexte de vie contemporaine surchargée d'images, Kargah nous offre une vision approfondie d'une culture visuelle résistante et parfois en état d'alerte. Ces fragments d'images nous permettent ainsi de visualiser des vérités confuses et fastueuses. La peur de l'oubli et de la disparition, la référence à la peur du vide (Kenophobia) associée à la culture visuelle des Iraniens produisent des images remplies de formes dérobées à l'histoire: une excitation visuelle qui permet de remplir l'espace et d'accumuler image sur image pour exposer et témoigner de cette partie de l'histoire, de la joie, de la nostalgie et des rêves des hommes.